Aujourd’hui sort le numéro 15 des Chroniques d’Altaride, la revue de l’imaginaire et du jeu de rôle sur le thème des Grands Méchants.
Pour cette grande occasion, Kerlaft le Roliste a choisi de réaliser son Invocation/Interview de Star téléportée n°004 : sur l’auguste personne de MAGNAMAGISTER l’auto-proclamé seigneur tyrannique de la Galaxie Rôliste que l’on retrouve aux pages 22-23 des Chroniques d’Altaride n°15.
Afin de parfaire ses connaissances rôlistes de ce monde qui l’entoure et partager ses merveilleux secrets, aujourd’hui, exceptionnellement, Kerlaft le Rôliste va incanter son désormais célèbre sortilège d’Invocation/Interview de Stars téléportée en duplex de son salon et des Chroniques d’Altaride.
Même si cela est particulièrement périlleux, il a dessiné dans son salon un pentacle démoniaque au lieu du cercle d’invocation habituel et va invoquer un tyrannique meneur de jeu : le terrible MAGNAMAGISTER.
Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, cet effroyable individu est un maître de jeu hyperactif responsable du site TABULA RASA aux centaines de récits de parties, et créateur du futur jeu de rôle VERSUS dans lequel on incarne des super vilains.
J’ai disposé les bougies à chaque angle du pentacle, et j’ai renforcé le tout d’un cercle de sel (on ne sait jamais).
« Note pour moi-même : racheter du sel avant que ma femme ne rentre »
A toute fins utiles je rappelle comme à l’accoutumée les détails techniques de cet extraordinaire sortilège :
Description du sort : Invoque par téléportation dans un pentacle/cercle d’invocation et contrôle une ou plusieurs stars pendant 1d16 questions. La cible doit répondre à ces questions en disant la vérité et me remettent à la fin leu fiches de personnages. A la fin du sort la ou les cibles retournent à leur endroit d’origine.
(Nota Bene : Il est déconseillé d’invoquer la ou les stars à l’heure du bain ou à d’autres moments incongrus pour des raisons évidentes…)
Temps d’incantation : Immédiat
Durée du sort : 1d16 tours
Portée d’acquisition de la cible : Illimitée
Zone d’effet : Stars invoquées dans le pentacle chez le jeteur de sort
Dégâts : aucun sauf les séquelles psychologiques d’avoir été séquestré et interrogé par Kerlaft le Rôliste
Composants : 1 à plusieurs stars, un grand cercle d’invocation ou pentacle, une liste de questions correspondant au jet de dé, une liste d’excuse longue comme le bras pour avoir importuné la ou les dites Stars.
Jet de sauvegarde : Aucun (La Star ou les stars invoquées sont forcé magiquement de dire la vérité)
Kerlaft le Rôliste sort son dé à 16 faces et fait un 9 : ce seront donc 9 secrets que nous pourrons extorquer à Magnamagister
Attention, INCANTATION !
Le sol se couvre d’une brume épaisse, ça y est, il est là !
Un frisson parcoure mon échine, il va falloir faire vite et surtout ne pas se faire emberlificoter par cet esprit retors.
Bien le bonjour Magnamagister bienvenue dans les Chroniques d’Altaride et dans l’interview/invocation téléportée de Kerlaft le Rôliste.
Il pousse un grognement de douleur et en un clignement d’œil, les rideaux du salon se ferment
Je suis désolé, j’aurai du savoir que vous êtes un être noctambule.
Je commence donc directement avec ma première question.
Secret n°1
C’est quoi un Magnamagister tyrannique? Comme te définis-tu ? Tu permets qu’on se tutoie ?
Et bien un Magnamagister pour les non latinistes ça veut dire « Grand Maître », parce que je suis grand par la taille et grand par le talent, et que je suis un « maître » (d’école …) dans la vie IRL (c’est ma profession, si si..) comme dans mes loisirs. Et non je ne dirige pas un donjon SM !
Tyrannique ? C’est le mot qui me définit le mieux lorsque je suis derrière l’écran. Je suis autoritaire, autocrate, je ne laisse rien passer, je ne donne rien sans une lourde et souvent mortelle contrepartie, et j’aime faire souffrir mes joueurs.
J’applique les règles toujours à mon avantage et toute récompense se mérite à ma table.
Souvent je reprends ce que j’ai donné, et je récupère le reste, si minime soit-il.
Et je me dis que tout cela est pour leur bien, rien ne doit être trop facile, ou gratuit.
Et non je ne préfère pas qu’on se tutoie. On a pas gardé les Banthas ensemble à ce que je sache ?
Secret n°2
Tes joueurs se sentent-ils maltraités par leur meneur ?
Oui, et je veille à ce que ce soit le cas à chaque moment de la partie. La tension, pour ne pas dire l’oppression, doit être de tous les instants. Les joueurs, et leurs personnages, ne doivent jamais se sentir en sécurité. Ils doivent se dire qu’une crasse peut tout le temps leurs tomber sur le coin de la tronche sans crier gare. C’est un véritable climat de terreur qui doit régner à la table de jeu ! Le fait que je les maltraite leur montre que mon intérêt pour eux est grand, voire central, qu’ils ont tous mon attention et vivent ainsi de grandes émotions, même si ce n’est que pléiades d’expériences désagréables. Et puis tant qu’ils souffrent, c’est qu’ils sont encore vivants …
Secret n°3
Pourquoi estimes-tu qu’un meneur de jeu doit être sadique ?
Un bon MJ, de mon point de vue, se doit d’être sadique. Un meneur trop conciliant, trop gentil, est une proie facile pour des joueurs toujours avide du moindre XP, du moindre objet magique ou de la moindre PO … Bonté, écoute, compréhension, gratifications sont autant de traits de faiblesse dont les joueurs s’empressent de tirer profit. Si les personnages se sentent à un quelconque moment en sécurité, ils perdent toute motivation, tout intérêt de se lancer dans l’action. Et là vous n’avez plus qu’à plier boutique ! Il s’agit donc de ne leur laisser ne serait-ce qu’une miette de répit, de liberté (ou alors maintenir l’illusion de la liberté pour la forme …), et un cadeau si le MJ consent à en faire un, sera toujours acquis à grand prix, pour être repris plus tard, sans aucune pitié, ou sans aucun remord.
Secret n°4
Ça te fait quoi de tuer un personnage de joueur ?
Oh ! Mais je ne tue pas mon bon monsieur … Sauf dans le cas où la bêtise commise par le joueur le condamne inexorablement ou que la situation dans laquelle il s’est mis est inextricable. Je préfère cent fois, mille fois les faire regretter d’être né et les faire souffrir à l’envie ! Voler ou détruire ce qu’ils ont de plus cher, torturer, assassiner leur famille, leur amis, leurs animaux de compagnie (la violence gratuite envers les animaux ou les enfants ça fonctionne toujours …), ça c’est jouissif. Et les voir se débattre, s’insurger contre la méchanceté gratuite et l’injustice c’est toujours un plaisir, en plus de leur fournir un moteur inépuisable, la vengeance, une raison des plus classiques, mais une technique des plus efficaces pour les obliger à agir. En plus si ça peut les pousser à commettre l’irréparable, à passer la ligne, à faire le Mal, alors c’est beaucoup plus intéressant que de simplement les tuer.
Secret n°5:
Il semble que comme moi tu aies eu un parcours atypique qui a fait de toi le rôliste d’aujourd’hui ? Peux-tu m’en parler ?
Aussi loin que je peux remonter le fil de mes souvenirs, j’étais un petit garçon qui aimait jouer seul et créer des histoires à partir des films ou dessins animés dont je me nourrissais sans retenue à la télévision. Dans les années 80, c’était Goldorak, Capitaine Flam, Albator, X-Or (et bien d’autres …), et un peu plus tard Cobra. Pour les films, c’était inévitablement Star Wars, mais aussi Blade Runner, Mad Max, Alien, Terminator, Dune, et je dois en oublier. En tout cas ils m’ont tous beaucoup marqué et ont alimenté mes jeux d’enfants, m’encourageant à créer des histoires, à customiser les jouets de mon enfance, jusqu’à créer mon univers. Cela je l’ai fait d’abord avec mes Lego, mes playmobil, mais surtout mes Big Jim, avec lesquels j’adorais jouer plus que tout. L’un d’entre eux ressemblait d’ailleurs à Cobra, et l’Univers Zéro m’inspira tout particulièrement (tout comme celui de Dune et de Mad Max) pour créer des aventures post apo, autant que les Lego me permirent de rejouer les plus belles scènes de Star Wars (vaisseaux, base spatiales, je pouvais tout recréer !), avant l’heure.
Ma culture SF avait déjà de solides fondations, d’incontournables références qui ne me quitteraient plus. Étant déjà assurément plus un rêveur solitaire qu’un sportif, je découvrais pourtant l’escrime en CM1 grâce à l’école et décidais d’en pratiquer en dehors. C’est à cette époque que je découvrai également les Livres dont vous êtres le héros, qui m’amenèrent à lire alors que pourtant j’étais loin d’être un grand amoureux de la lecture. Je trouvais enfin une lecture à ma mesure, et me plongeais dans ces univers, me plaisant à m’éloigner du réel. Je me souviens avoir gagné mon premier livre, le Sorcier de la Montagne de Feu, lors d’une compétition d’escrime. Cela allait changer ma vie à jamais !
J’enchaînais les LDVELH, dont beaucoup m’ont marqué (le Manoir de l’Enfer, le Combattant de l’Autoroute, Rendez-vous avec la MORT, les séries Quête du Graal, Sorcellerie, Épouvante, Portes Interdites, La Voix du Tigre, Loup Ardent, Chroniques Crétoises, les Messagers du Temps ! Ah ! Quels souvenirs !) et entendais un jour parler des ados, les grands de mon club d’escrime, de jeux qu’ils pratiquaient en dehors du sport, des jeux de rôle ! Ils me parlaient de Donjons & Dragons, de Bitume … Peu de temps après sortait la série Terre de Légendes, dont j’achetais les quatre premiers tomes, puis un peu plus tard les deux derniers (sortis un peu de temps après), et profitait de grandes vacances chez ma grand-mère pour faire jouer tous les scénarios des quatre livres avec un bon ami, en solo donc, faisant monter son perso (un prêtre) jusqu’au niveau 9 !
A la même époque je découvrais un peu par hasard la presse rôliste, Casus Belli, mais GRAAL surtout, dont j’achetais mon premier numéro, le numéro 10, pour m’y plonger avec émerveillement … Casus Belli ce fut un peu plus tard que je l’achetais, le numéro 58. Un ami m’avait déjà prêté le livre de base de la 1ère édition de Star Wars en vf (je devais être en 6ème), et je l’avais dévoré, et même testé avec un ou deux copains. Puis ce fût la 5ème, et mes mauvaises fréquentations. Un « ami » me prêta la 1ère édition d’INS/MV. La même année j’eus le courage d’aller voir le principal adjoint, moi qui faisais parti du club de bridge du collège, pour créer un club de jeu de rôle … On joua à INS, si si …
Peu de temps après je consacrais mes maigres économies pour me payer Star Wars (le livre de base, le guide, et le supplément aux règles) que j’ai tellement lu et manipulé que les couvertures (qui étaient affreusement fragiles) ne firent pas long feu. Une rare visite à la boutique de jdr de mon département (à Reims), me permit de voir nombres de merveilles et d’acheter (budget serré oblige) CyberAge, qui reste un excellent souvenir de lecture. J’achetai bientôt, grâce à quelques fonds durement gagnés en « travaillant » l’été, INS/MV, puis TORG (je possédais déjà l’écran que j’avais acheté avant le jeu de base faute de fond suffisants, ce jeu en effet m’intriguais plus que tout !), car je ne pus trouver la seconde édition de DC Heroes (je l’ai achetée des années plus tard ). Oui, j’étais assez fou pour vouloir m’acheter un jeu en anglais alors que j’avais fait allemand première langue … Ce que je fis un peu plus tard quand j’en eu assez d’attendre les traductions calamiteuses des gammes du World of Darkness (Vampire, Werewolf, Mage, Wraith, Changeling). Mon niveau d’anglais, pas mauvais à la base, fit un bond par la même occasion.
Puis les jeux s’enchaînèrent. J’étais exclusivement MJ et faisais découvrir le jdr à tous mes amis et aux membres de ma famille de mon âge intéressés. Mais jamais plus, pour l’instant. Je restais dans la marginalité. Mes parents comme mes grands parents, qui n’y comprenaient rien, se posaient beaucoup de questions, et pensaient que cela me tournait la tête, et me confinait à l’imaginaire, à l’irréel, et que donc cela était dangereux. Sans m’interdire, j’étais largement dissuadé, et stigmatisé. Les polémiques dans les médias à la même époque n’aidaient pas à les rassurer … Mon grand père avait pris ce qu’il avait lu dans ma boîte d’INS au premier degré, et n’avait pas apprécié …
Je suivais mon petit bonhomme de chemin jusqu’en 3ème, jouant de temps à autres avec de rares amis à INS/MV, Star Wars, TORG, ou ma version maison de Dragon Ball. Le changement radical advint quand j’entrais au lycée. En plus de trouver un joueur dans ma classe qui allait devenir un bon ami et avec qui j’allais jouer à Cthulhu, JB007, et TORG, je fis enfin l’expérience de l’associatif. Mon père, intermittent du spectacle, m’emmena un jour à la MJC d’un des quartiers sensibles de ma ville (Châlons en Champagne) où venait de s’ouvrir un club de JDR. Pendant que lui négociait son contrat, moi je rencontrais le responsable du club, qui me prêta les livres de base de Vampire Mascarade et de Shadowrun 2ème ed. J’eus la permission de sortir jusqu’à minuit, ce qui me permit de faire ma première partie de Advanced Donjon & Dragon avec un MJ qui allait devenir mon « Maître », Jean François, dit JF. Pour ma part j’amenais TORG, et fis la connaissance de celui avec qui j’allais jouer à Cyberpunk pendant nombres d’années (encore mon ami aujourd’hui et le premier témoin à mon mariage …), et d’autres avec qui j’allais souffrir à Shadowrun à la table de JF. Je prenais du galon en tant que MJ en maîtrisant nombres de jeux comme Werewolf, Vampire, Mage, pour des campagnes de longue haleine. A cette époque j’étais encore joueur à mi temps et ai fait de formidables parties de Shadowrun donc, d’Eleckasë, puis plus tard de L5R quand il est sorti en vf. Ce qui a le plus marqué mes années en tant que MJ est sans conteste TORG, Mage, et Vampire surtout, que je maîtrisais intensément.
Dans mes bons souvenirs j’ai également des parties de Runequest, de Cthulhu, de KULT … mais j’en oublie …
Puis ce fut les temps difficiles pour le club. Les gens partaient, pour faire leurs études, pour faire leur vie, ailleurs. Je devenais le responsable du club après en avoir été l’animateur principal pendant des années. Mais le goût et l’intérêt n’y était plus. On ne venait plus pour jouer, on avait envie d’autre chose (de boire, d’avoir une copine …). Alors que j’étais à l’IFSI (en effet j’ai voulu être infirmier avant d’être prof) je claquai la porte un beau jour, car j’en avais assez du comportement de certains qui ne faisaient plus d’effort, et avaient rendu le jeu optionnel, pour ne pas dire inexistant.
J’allais donc jouer ailleurs, à Reims, en faisant connaissance de joueurs dans la toute nouvelle boutique (la Plume & l’Epée) qui venait d’ouvrir. Encore Vampire. L5R aussi. Beaucoup.
Et les groupes changèrent, évoluèrent, au fil des rencontres, des petites amies, des expériences (je fis un peu de semi-réel Vampire mais sans réelle conviction), jusqu’à aujourd’hui, où, habitant désormais à Reims, je continue à rêver et à faire partager mes rêves. Mon expérience est assez unique puisque j’ai découvert le JDR tout seul, en étant MJ et en le faisant découvrir et partager aux autres. Cela a sûrement déterminé, cristallisé ma vision, faisant de ma place derrière l’écran ma place naturelle, comme une évidence. J’aime créer et raconter des histoires, les faire vivre, faire ressentir des émotions, et laisser des souvenirs de jeu impérissables dans l’esprit des joueurs qui se sont assis à ma table.
Secret n°6
En effet ça fait un sacré parcours, tu es un rôliste certes, mais que trouves tu dans le jeu de rôle ? Qu’est-ce que ça t’apporte dans la vie ?
Le jeu de rôle répond à mes attentes, satisfait au mieux, nourrit à loisir, entretient à la perfection mon goût pour l’imaginaire et le rêve. Tous ces mondes fantastiques que je mets en scène derrière mon écran sont pour moi autant d’espaces de liberté qui me permettent d’assouvir appétit pour la création, mon envie irrépressible de raconter des histoires et de les faire vivre autour d’une table de jeu. En fait c’est bien plus qu’un loisir, c’est une véritable passion, un amour inconsidéré pour l’irrationnel, l’irréel, un moyen de s’échapper, au moins par l’esprit, d’un quotidien bien gris et morne, qui manque cruellement de couleurs et de féerie. Mais je garde toujours avec les pieds sur terre, et dans mes histoires je ne manque jamais d’ajouter des clins d’œil, très critiques, et cyniques parfois, à la vie. J’aime en effet faire réfléchir mes joueurs sur l’existence à travers des dilemmes moraux et autres controverses humanistes.
Le Jeu de Rôle m’a apporté beaucoup en terme d’équilibre, et je ne pourrais envisager ne plus en faire du jour au lendemain. Tel un drogué j’ai besoin de ma dose d’évasion et il m’est plus que difficile de ne pas jouer pendant plusieurs semaines !
Secret n°7
Tu parles toujours de toi en tant que Maître de Jeu, d’ordinaire on est surtout joueur et occasionnellement meneur, es-tu systématiquement Maître du Jeu ?
J’ai découvert le jeu de rôle seul, comme un grand, en lisant des magazines spécialisés et en dévorant des livres de règles, ce avant même d’avoir joué, ce qui est assez inhabituel vous en conviendrez. J’ai d’ailleurs souvent initié des gens au cours de ma « carrière », alors que moi je n’ai jamais été initié. C’est donc avant tout du point de vue du maître du jeu que j’ai découvert le principe même du JDR, et cela m’est resté. Ayant un besoin insatiable de créer et de partager, j’ai du mal à ne pas me dire que je suis à l’origine de l’histoire, et metteur en scène du scénario. J’aime plus que tout ma place d’arbitre et de narrateur derrière l’écran, pour voir réagir les joueurs et réagir à mon tour à leurs idées, leurs actions.
Pour moi être MJ est à la fois un fardeau, un sacerdoce, mais aussi un plaisir immense et sans cesse renouvelé. Je fais tout pour toujours être au top, comme un sportif de haut niveau avant une compétition (je me prépare mentalement à la partie parfois des jours à l’avance), d’ailleurs préfère renoncer à maîtriser si je sens que je ne suis pas en pleine possession de mes moyens.
J’ai été joueur dans le passé, et y ai pris aussi du plaisir, mais il fallait que le MJ soit vraiment très bon, qu’il sache imposer le respect, soit en mesure de mettre en place l’ambiance et une intrigue solide, avec des perspectives de campagne et de RP intéressante, un vrai challenge en somme. Je n’ai malheureusement rencontré que très peu de gens (j’en compte 3 ou 4 …) qui répondaient à mes critères ultra exigeants. Donc au final j’ai toujours préféré être MJ. D’ailleurs je suis insupportable en tant que joueur car je monopolise la parole et fais des « excès de RP » !
C’est grâce au jeu de rôle que j’ai développé mon goût pour l’histoire, la géographie, la philosophie, les sciences, et que je suis aujourd’hui quasiment bilingue anglais au vu du nombre d’ouvrages que j’ai lu dans la langue de Shakespeare … Et le fait que je sois professeur des écoles dans le civil, et gère mes tablées comme des classes d’élèves indisciplinés, ne doit pas complètement être un hasard …
Secret n°8
Tu as la réputation de jouer tout le temps et de consigner toutes les campagnes que tu fais sur ton forum Tabula Rasa. A quoi tu joues, on y trouve quoi sur ton site ?
Toujours une pléiade de campagne en cours parmi lesquelles je citerais l’Appel de Cthulhu, Rêve de Dragon, Rolemaster (dans les Royaumes Fragments un monde de ma création que j’ai aussi fait joué en système AD&D2 et D&D3.5), Eleckasë, Vampire Dark Ages, AD&D2 Dark Sun, Ambre, Bloodlust Metal, Mage l’Ascension, James Bond, et j’espère bientôt reprendre mes campagnes Chroniques des Féals, Secrets de la Septième Mer, Cyberpunk, et Deadlands. Et oui je ne m’arrête jamais !
En ce qui concerne le forum, j’ai été convaincu il y a de cela presque quatre ans, par un célèbre auteur de jeux de rôles que j’avais la chance d’avoir régulièrement à ma table de L5R, de prévoir les séances de jeu et de faire des résumés courts des séances pour que les joueurs puisse s’y retrouver.
N’étant pas un génie de l’informatique (on ne pas tout avoir…), il m’as mis sur les rails et depuis, j’organise mes parties avec efficacité et surtout, je tiens à jour les nombreuses campagnes que je mène en faisant systématiquement un résumé, qui au fil du temps est devenu un véritable compte-rendu.
Mon forum TABULA RASA est au final un outil à destination des joueurs, mais est aussi une mémoire, un témoin de nos expériences autour de la table de jeu, qui j’espère peut servir d’inspiration à tous les lecteurs qu’ils soient devant ou derrière l’écran.
On trouve le forum à cette adresse : http://magnamagister.forumactif.com
Secret n°9
Si l’on regarde dans les boules de Crystal pour y voir l’avenir, que peut-on y voir comme projets ?
Crystal peux-tu venir ici une minute s’il te plaît? N’ai pas peur Crystal! Il se remet difficilement de la visite de Maitre Grimtooth!
Sur le plan des jeux de rôles et des campagnes, je peux vous dire qu’avant d’être grossièrement interrompu par votre expérience, je me préparai à faire ma première partie de Cobra Space Adventure, jeu que j’attendais depuis longtemps et qui est mon coup de cœur du moment. Sinon j’espère réussir ma première séance d’Apocalypse World, jeu qui m’intrigue beaucoup mais pour lequel je ne sais si mes joueurs vont accrocher … J’espère aussi essayer d’autres jeux de la mouvance narrativiste (Cold City, Dogs in the Vineyard, On Mighty Thews, My Life with Master, Perfect, Fiasco …) dans un proche avenir, toujours avec la crainte de ne pas rencontrer mon public. L’expérience de ce genre de jeux est une chose que je veux avoir tenté, pour ne pas mourir idiot, même si cela est parfois très loin de mes conceptions du jeu de rôle.
Enfin j’ai toujours des nouveaux jeux en tête que je souhaiterais tester, ou des campagnes que je voudrais mettre en place. En ce moment mon intérêt se porte sur Eclipse Phase, Subabysse, Ecryme, Les Ombres d’Esteren, Skyrealms of Jorune, Black Crusade, Marvel Heroic Roleplaying, Star Trek, mais je dois sûrement en oublier tellement j’ai toujours pleins d’envie, d’idées, et si peu de temps pour les concrétiser.
Sur un plan plus personnel et sur un plus long terme, je travaille sur deux projets de JDR en plus de gérer mon forum Tabula Rasa.
Le premier est un jeu de rôle de Super Héros, enfin plutôt de super vilains baptisé « VersuS ». Les joueurs y jouent des individus dotés de super pouvoirs obligés de jouer le rôle de vilains pour donner le changer, servir de faire valoir, ou occuper les héros en manque d’opposition. Tout cela dans une ambiance très décalé, cynique, et pleine d’humour noir. Les règles sont écrites et ont été testées avec un franc succès, il ne reste plus qu’à terminer l’écriture du background. A voir de quelle manière il sera diffusé une fois terminé, mais si j’ai l’occasion de le publier de manière professionnel je le ferai !
Sinon je suis aussi sur un projet de jeu de rôle de SF intitulé pour l’instant « Etermanité ». Il s’agit d’un jeu qui se veut plutôt humaniste où chaque joueur jouera une famille, faction, corporation, secte qu’il gérera tout au long d’une campagne qui s’étalera sur plusieurs siècles, avec son lot d’action, d’aventures, d’intrigues, et de questions existentielles, puisque l’humanité a atteint l’immortalité même si le voyage spatiale reste très lent et périlleux. Le système se veut léger et a été pensé pour favoriser le roleplay et une gestion aisée de son « métapersonnage ». L’écriture est en cours et les tests encore à venir …
Merci beaucoup Magnamagister. Ce fut très intéressant et instructif, remets moi maintenant ta feuille de personnage … Merci, je te laisse repartir à ta préparation de Cobra Space Adventure. Et me laisser ta feuille de personnage.
L’interview touche à sa fin, les volutes de brumes sont comme aspirées et les rideaux s’ouvrent brusquement au moment où Magnamagister disparaît.
FICHE DE PERSONNAGE
« MAGNAMAGISTER »
Caractéristiques
Force 9
Dextérité 12
Constitution 10 (a beaucoup perdu à cause de nombreuses résurrection …)
Intelligence 18
Sagesse 17
Charisme IRL 13 / Magnamagister 17
Avantages
Imagination à revendre
Don pour l’improvisation (par fainéantise …)
Verve mythique
Talent littéraire certain (quoi qu’un peu pompeux parfois …)
Organisateur né
Fédérateur suprême
Assidu
Ponctuel
Tyrannique
Désavantages
Photophobie
Migraines chroniques
Susceptible
Paranoïaque
Colérique
Asocial (sauf avec les rôlistes)
Dos fragile
Tyrannique
Équipement magique
Bourse de dés pleine à craquer contenant des centaines de dés de toutes les sortes -5 (oui ce sont des dés maudits …)
Collection de plus de 2000 ouvrages de JDR, magazines, jeux de plateau, de cartes, de figurines … appelée par les pèlerins rôlistes « Mur des Lamentions » ou par son propriétaire « Grande Bibliothèque d’Alexandrie » +10 (Artefact légendaire !)
Paravents polymorphes de protection contre les digressions inutiles, les sarcasmes, les tentatives d’intimidation, les blagues pourries, et les projectiles divers (sauf s’ils sont comestibles !) +5
T-shirt renforcé anti-transpiration s’adaptant en fonction du jeu maîtrisé +3
Siège de MJ sacré et son coussin enchanté digne du trône de Palpatine +3
Familiers
3 chinchillas :
Apollon le vieux sage tranquille
Mokona le roi de l’évasion
Artémis l’adolescente insupportable
Pouvoirs spéciaux
> Joue tous les week-ends (ou meurt dans d’atroces souffrances …)
> Cuisine (« chef étoilé * au guide des rôlistes gastronomes ») pour la bande de crevards qui joue à sa table tous les week-ends
> Forum Tabula Rasa (pour organiser les parties et mettre en ligne les résumés des campagnes)
Expérience
Jeux maîtrisés : (parmi les plus notables) Vampire Masquerade, Mage the Ascension, Werewolf the Apocalypse, Vampire Dark Ages, Wraith, Trinity, TORG, L5A, INS/MV, Star Wars D6, Bitume, Rêve de Dragon, DC Heroes, Marvel Universe, l’Appel de Cthulhu, KULT, Polaris, Bloodlust, Runequest, Herowars, Shadowrun, Warhammer, Stormbringer, Elric, Hawkmoon, Dark Heresy, Rogue Trader, Cyberpunk, CyberAge, 7ème Mer, AD&D2, Rolemaster, COPS, Deadlands, Qin, Maléfices, James Bond, Guildes, Heavy Metal, Ambre, Tenga, RIFTS, Star Trek, la Brigade Chimérique, les Chroniques des Féals, Mille Marches, Empires & Dynasties, Eléckasë, Rétrofutur, Nephilim, Fading Suns, La Caste des Métabarons, VersuS (mon bébé …), Dragon Ball, Chevaliers du Zodiaque (versions maison …), et sous peu Apocalypse World, et Cobra Space Adventure !
Épilogue
Ouf, il est parti !
Par contre ça me gêne un peu de le laisser repartir torturer et spolier ainsi de pauvres joueurs grobills looters innocents.
Je crois que je vais le convoquer à nouveau pour un séance de psychanalyse sur mon divan après sa partie de Cobra Space Adventure, il faut que je lui fasse entendre raison sur le fait qu’un Maître de Jeu de doit pas être un Grand Méchant.
C’est pas tout ça, mais il faut que j’aille racheter du sel moi!
********************************************************************************************************************************
Votre Bonus : Le divan de Kerlaft le Roliste
LE DIVAN DE KERLAFT
Kerlaft accueille l’un de ses patients en longue thérapie, Magnamagister le Tyran, pour voir si les séances ont porté leur fruit et qu’il adopte désormais une éthique de gentil MJ.
Je vous en prie M. Magnamagister, entrez et allongez-vous. Et, non, il est inutile de fermer à double tour derrière vous. Vous ne craignez rien ici, nous sommes entre amis … Et mon divan est un sanctuaire, vous ne courez aucun danger, je vous l’assure.
C’est que j’ai quelques Nemesis qui voudraient plus que tout me faire la peau docteur Kerlaft … Et moi si je leur ai pardonné, je ne pense pas que ce soit leur cas … J’ai constamment l’impression qu’ils me suivent pour me tendre une embuscade quand je sors dans la rue. Quand on sonne à ma porte, je pense toujours que c’est eux qui viennent me faire rendre gorge !
Oui c’est compréhensible quand on repense à ce que vous leur avez fait subir. Mais laissez leur le temps, leur colère, très mauvaise conseillère nous en convenons, leurs griefs, et leur rancune finiront par leur passer.
Comme le dit le vieux sage sous la cascade : «L’eau coule sur les flancs de la montagnes telle la vengeance sur un cœur pur ».
Je l’espère sincèrement docteur, car ma rédemption est totale et sincère. Je pense être enfin guéri ! Je ne rêve plus de hordes de monstres qui pillent et brûlent des villages d’honnêtes paysans ou de bourreaux sadiques qui torturent des innocents pour l’unique plaisir d’entendre leurs râles d’agonie ! Non, docteur, tout cela appartient au passé désormais, je vous l’assure …
Vous êtes bien sûr de cela M. Magnamagister ?…
(Regard inquisiteur de la part de Kerlaft)
M: Euh … Vous avez raison docteur, je dois vous confesser que je rêve encore parfois de faire tomber des héros dans des pièges mortelles, pour les entendre rendre leur dernier souffle empalés sur un pieu rouillé ou me délecter des craquements de leurs os quand ils se font écraser par une dalle mobile tombée du plafond …
J’apprécie votre franchise M. Magnamagister. C’est essentiel pour la réussite de votre thérapie. Mais bien que vous soyez favorablement engagé sur le chemin de la rédemption, nous avons encore du travail à faire …
Docteur ! Laissez-moi vous prouver que je suis guéri, que mon éthique de MJ est irréprochable ! Certes la tentation de sombrer à nouveau dans mes vils errements est grande, et il n’est pas un jour où mes exactions passées me reviennent et me tourmentent, mais je pense aujourd’hui avoir retrouvé mon éthique de gentil MJ, et pouvoir reprendre ma place parmi notre respectable guilde.
Très bien. Nous allons voir à cela. Je vais vous soumettre au test GYGAX, le test référence par excellence, universellement reconnue dans notre milieu. Il me permettra de juger en toute objectivité de votre réhabilitation.
Oh …tant que vous ne me soumettez pas au test de Kobayashi Maru*cela me va docteur.
Les situations du test GYGAX :
− Situation 1 : la rencontre du groupe à l’auberge.
Parfait, commençons le test. Les héros, au gré de leur pérégrinations, se retrouvent dans un hameau perdu. La population de toute la contrée subit le joug d’un seigneur cruel et maléfique, dont certains disent que c’est un vampire … Des gens, des jeunes filles surtout, disparaissent régulièrement et les paysans sont pressurés par les impôts. Les héros doivent intervenir pour faire cesser cette situation ! Comment introduisez-vous le scénario ?
Et bien les héros se rencontrent dans le cadre morne et crasseux de l’unique auberge du hameau. Les gens affichent tous des visages tristes et malades. Le désespoir se lit dans leurs yeux. Les héros doivent prendre conscience de la gravité de la situation sans qu’une parole ne leur soit adressée. De toute façon, personne ne se plaindra ou ne leur dira rien, le seigneur a des espions infiltrés parmi la population … C’est donc dans ce contexte de suspicion et de résignation que les héros devront aider la populace, malgré eux. Ils démontreront ainsi, alors qu’ils ont même les gens qu’ils veulent sauver contre eux, qu’ils sont bons et altruistes. On ne manquera pas de les dénoncer, ainsi que tous ceux qui les ont approchés !
Certes … ce n’est pas un peu excessif ?
Il s’agit de plonger les joueurs, et les héros, dans un environnement malsain et propice à la terreur. Ils savent qu’ils ne pourront compter que sur eux, et que leur cause est juste. Du moins il faut qu’ils le croient … D’ailleurs j’ajouterais des éléments afin qu’il y ait aussi une certaine méfiance entre les personnages, que la cohésion ne soit pas un fait acquis, en distillant des détails étranges sur chacun aux autres, discrètement, par de petits mots griffonnés sur des papiers ou des apartés opportuns …
De telles manœuvres risquent de nuire à la constitution du groupe …
Le doute et l’angoisse doivent primer. Il s’agit de faire ressentir des émotions intenses et contradictoires pour placer l’ambiance de la plus satisfaisante des manières. Je ne fais que mon travail de metteur en scène par rapport au contexte que vous m’avez décrit.
− Situation 2 : la première confrontation, des gobelins sur la route.
Soit, passons à la suite. Le groupe a choisi d’agir ensemble pour le bien du plus grand nombre, et ce même s’ils risquent de périr. Ils prennent la route du château du seigneur ensemble. Comment se déroule le voyage ?
D’abord je pense qu’au-delà de l’ambiance de terreur installée j’ajouterais également quelques promesses de richesses pour tous ceux qui pourraient oser s’élever contre lui, le Mal incarné. Ce serait un bon moyen de tester leur vertu en laissant miroiter un trésor par la bouche d’un espion qu’ils parviendront à attraper sur la route. La troupe et les vrais motivations de chacun seront ainsi mises à l’épreuve devant la réalité : avidité, cupidité, vénalité, convoitise, …
Un peu facile. Les héros peuvent avoir de nobles idéaux à part l’argent …
Pourtant je maintiens que c’est l’unique chose qui les fait agir.
Imaginons que vous ayez raison. Sur la route donc ?
Je continue à entretenir cette atmosphère délétère, et au moment propice, quand l’attention se relâche, que leur vigilance se détériore, que l’un d’eux s’endort pendant son tour de garde, CRAC ! Là les sbires du seigneur, des gobelins par dizaine, prévenus par les espions, passent à l’attaque, de nuit, dans les pires conditions (pluie, brouillard, nuit sans lune …) et là pour survivre les héros sont obligés de s’unir et de se faire confiance.
Oui … facile, mais à peu près justifié. Vous avez tout de même tendance à les mettre dans des situations inextricables.
Ils doivent apprendre à fonctionner en groupe, par la force des choses, s’ils veulent avoir une chance d’arriver au bout. C’est ma leçon.
− Situation 3 : les vils pièges du donjon.
Bon, les héros parviennent au château, et pénètrent dans les lieux. Comment se déroule leur progression ?
Ah !!! Mon chapitre préféré. Et bien c’est simple ils devront durant leur avancée se heurter aux monstres les plus retors et aux pièges les plus machiavéliques ! Ils se souviendront de leur passage dans la demeure du Maître des Vampires ! A chaque pièce, un monstre original et puissant, parmi les plus dangereux du manuel, qui mettra leurs capacités à rude épreuve. Et entre chaque combat, un piège qui nécessitera qu’ils déploient un trésor d’ingéniosité pour ne pas périr (là aussi les manuels ne manquent pas …).
Classique et entendu. Pour ne pas dire attendu et rébarbatif …
Je ne fais que leur donner ce qu’ils recherchent. Et je les garde ainsi en haleine. Au bout du cinq ou sixième piège ou monstre, la tension sera palpable à chaque fois qu’ils se décideront à ouvrir une simple porte …
Oui ils réfléchiront tellement longtemps qu’ils ne les ouvriront plus, les portes …
J’aurais instauré la Peur ! C’est tout ce qui m’importe !
Vous aurez surtout réussi à les dégoûter de jouer avec vous …
S ‘asseoir à ma table est un privilège. Aller jusqu’au bout de mes scénarios se mérite …
Comme vous voudrez … (Soupir)
− Situation 4 : le combat final contre le boss, le partage du trésor.
Les héros, après avoir triomphé des terribles pièges et des abominables monstres du donjon, arrivent enfin dans la salle du trône du Comte. Leur formidable ennemi les attend. La confrontation est inévitable, c’est le combat final ! Comment mettez-vous en scène cet épique moment ?
D’abord mon formidable PNJ, incarnation parfaite du Mal, archétype suprême de la méchanceté, paralyse les héros par son charisme surnaturel (sans jets de sauvegarde dans le plus pur style TGCM) dès qu’ils entrent dans la pièce, afin de leur asséner un monologue dramatique ponctué de rires sardoniques. A leur état physique déjà moribond j’ajoute une dimension psychologique : j’enfonce le clou en plombant sans vergogne, et sans piété aucune, leur moral, laissant ainsi la Peur s’installer dans leur corps et dans leur esprit … ! AAAHHH !
Vous ne trouvez pas cela un peu autoritaire et déloyal ? Surtout que lors d’une scène finale, après tant d’épreuves, il faudrait plutôt penser à encourager les héros, les inviter à se serrer les coudes une dernière fois pour triompher, leur montrer, malgré la difficulté, que la victoire est à portée de main ?..
Mais je ne fais que mettre l’accent sur l’ambiance, et développer la personnalité riche et complexe du PNJ, élément qui passe souvent à la trappe à ce stade de la partie puisque que les héros ne pensent qu’à « taper et looter ». Un Méchant n’est pas méchant par hasard, il a une histoire, un passé, qui méritent d’être mise en valeur. Le caractère dramatique du PNJ est ainsi renforcé, et la scène devient une véritable lutte du bien contre le Mal, pas une simple parodie !
Soit, mais c’est de la propagande forcée … Bon, et le combat ?
D’abord le Grand Méchant a toujours des hommes de main, des second couteaux. Le Comte a donc des favorites, dont l’une d’elle, pourquoi pas, pourrait être la petite amie de l’un des héros, ce qui donnerait un caractère encore plus dramatique à la scène. Devoir décapiter son aimée est le summum de la tragédie !
Oui, vous êtes abominable … Poursuivez … (sur un ton blasé)
Chaque héros devra combattre un homme de main avant de se confronter, écoeuré par leur acte (tuer une femme innocente transformée en monstre contre son gré quelle cas de conscience!), blessé, aux abois, au Génie du Mal … et là, ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas de taille, et les héros tombent tour à tour, et le Comte … !
Tut tut tut !!! Je vous arrête. Les héros doivent gagner à la fin.
Bien … Alors que le dernier héros encore debout s’apprêtait à porter le coup de grâce au Comte, ce dernier se change en brume et s’enfuit !
Non !!! Le Mal doit périr ! (sur un ton légèrement agacé)
Ggrrrr … Gngngngng … !!!! Bon soit, ils parviennent à le détruire. (Sous cape, à voix basse) Mais il reviendra pour se venger …
Et son trésor ?
Les héros devront déjouer les pièges mortelles qui protègent la salle au trésor …
Oui il ne faut pas non plus abuser … Et les objets magiques ?
Il y en aura … un ou deux … et maudits …
(Regard sévère de la part de Kerlaft …)
L’un d’entre eux donnera un bonus de +1 pour tuer les gobelins asthmatiques ?
(Kerlaft lève les yeux au ciel et soupire longuement)
Vous êtes décidément incurable …
− Situation 5 : le retour, la guérison des blessés
Le grand méchant qui terrorisait la région est mort. Les héros se sont équitablement partagés ses richesses et pensent à en donner une partie à la population pour les aider à passer le prochain hiver qui risque d’être rude. C’est le moment de prendre le chemin du retour pour le groupe. Comment gérez-vous l’épilogue ?
Et bien je ferais en sorte que les sbires du Grand Méchant encore en vie aient tué leurs montures pour les obliger à abandonner une partie du trésor et à repartir à pied. Ainsi les héros seraient plus vulnérables, puisque soumis aux règles d’encombrement, à une embuscade de gobelins cherchant à se venger de la mort de leurs frères lors de la Situation 2 …
Mais c’est particulièrement retors et mesquin çà !
Dans la mesure où ils ont pillé le château de fond en comble et presque tout détruit ou occis, ils doivent mériter ce qu’ils ont volé.
Mais ils prévoient d’en redistribuer aux villageois !
ils restent des voleurs aux yeux de la loi, même s’ils ont pillé un tyran. Ils doivent moralement payer leur crime !
Soit … Les héros ont été pour la plupart blessé durant l’aventure, certains ont même frôlé la mort et sont encore gravement atteint. Comment faites-vous vivre leur convalescence aux héros ?
D’abord je m’assure que toutes les blessures aient été correctement stabilisées, sinon certains ne manqueront pas de tomber dans le coma, ce qui fera un poids mort de plus à transporter par leurs compagnons. Et si leurs amis n’y prennent pas garde ils risquent d’avoir des escarres ! De plus j’use des conditions difficiles du voyage de retour pour ne pas louper une occasion (oubli, négligence, activités incompatibles …) pour leurs faire faire des jets d’aggravation des blessures. J’en profite, si leurs plaies s’infectent, pour leur décrire leurs chairs pourrissantes et les vers qui grouillent à l’intérieur ! Dès qu’ils arriveront au village, il n’y aura pas d’autre choix que l’amputation, par un boucher apprenti chirurgien alcoolique ! Ils souffriront le martyr lors de l’opération, sans anesthésie !
C’est tout de même un peu trop là M. Magnamagister ! C’est du sadisme aggravé, manifestement !
Je ne fais qu’appliquer les règles. Je trouve qu’on les utilise trop peu d’ailleurs, ça obligerait les joueurs à faire un peu attention à leur santé et à ne pas minimiser leurs blessures.
Très bien … Je note tout de même une pointe de jubilation dans vos propos …
Non, juste la satisfaction du travail bien fait !
− Situation 6 : la distribution des XP.
Vient maintenant le moment des récompenses de fin de partie. Vous devez attribuer les points d’expérience à votre groupe …
Je donne le minimum conseillé par les règles.
Et pourquoi donc ?
Comme de coutume, le comportement des héros, et des joueurs, aura été médiocre, uniquement intéressé par les confrontations armés et les richesses et objets amassés durant l’aventure. Le roleplay aura été minimum, pour ne pas dire absent ou caricatural. Les récompenses seront à la hauteur de leur jeu théâtral insipide, proche de zéro.
Ce n’est pas un peu dur ? (sur un ton machinal et très détaché)
Non, il s’agit de récompenser justement ceux qui le mérite, et ils ne le méritent jamais, c’est entendu.
Bon, je crois que j’en ai assez entendu.
Conclusion :
(sur un air triste et solennel) Je pense pouvoir me faire une idée de votre rédemption au vu du test. Vos vieux démons sont encore présents dans votre manière de maîtriser. Votre réhabilitation est encore lointaine M. Magnamagister, je le crains … Mais je reste à vos côtés pour vous aider. Nos continuerons à nous voir tous les mercredis, à 16 heures.
(sur un ton dépité) Je demeurerais un éternel incompris au sein de notre caste. Je crois que malgré tous mes efforts je ne pourrais aller complètement contre ma nature, ma vision du Jdr. Les joueurs doivent souffrir et mériter leur gloire et leurs gains.
Vous n’avez toujours pas compris que vous ne devez pas être leur ennemi, mais un arbitre impartial et un metteur en scène discret et aidant. Il faut vous apprendre à aimer les personnages de vos joueurs, et être leur ami plutôt que leur bourreau. Notre travail ensemble est encore loin d’aboutir …
Vous verrez, un jour, on reconnaîtra que j’étais dans le vrai, que j’avais raison !
Je ne pense pas, et souhaite de tout mon cœur qu’il n’en soit jamais ainsi. Le Jeu de Rôle y perdrait beaucoup.
* Dans Star Trek test utilisé pour tester les réactions des officiers de Starfleet face à une situation sans issue
Un grand Merci à Alexandre Joly alias Magnamagister d’avoir co écrit cette interview et ce divan. et merci encor à Benoît Cherel de nous avoir laissé nous amuser dans sa belle revue.
N’oubliez pas de faire un tour sur le Forum Tabula Rasa de Magnamagister
et sur le site des Chroniques d’Altaride